7 sept. 2009

1976 : un grand moment d'expression dans le NouvelObs

le NouvelObs est tombé tellement bas avec le vrai-faux-vrai sms élyséen qu'il faut remonter très loin dans le temps pour lui rendre grace mais grace à un blog dont je ne retrouve plus la trace, j'ai eu le bonheur de tomber sur ce Lundi de Delfeil de Ton, très jouissif, entre le square derrière Notre-Dame et ses parages d'un côté et une pirouette finale cruellement vraie.

Qu'on en juge, le bonheur de la lecture vaut l'effort :

"
Triangles Roses

Derrière Notre-Dame de Paris, pas loin de la place des Vosges, il y a le square de l'Archevêché. Tiens, là aussi, naguère, ils voulaient foutre le jardin en l'air pour faire un parking. Tiens, là aussi, ils ont perdu. Derrière le square de l'Archevêché, il y a un autre square. Il s'appelle square de l'Ile de- France, il n'est pas bien grand, il est charmant. Il occupe la pointe de l'île de la Cité. A l'extrémité de cette pointe, on a aménagé une crypte. Cette crypte est le mémorial de la Déportation, construit à la mémoire de tous les déportés dans les camps nazis. Quel Parisien, quel provincial, quel étranger, passant là entre ces deux squares, venant du quai' de la Tournelle et empruntant le pont de l’Evêché, n'a pas été saisi par la beauté de l'endroit ? C'est un de ces endroits magiques, comme même les plus belles villes n'en offrent pas plus de deux ou trois. , Odes, ben allez le voir, l'endroit magique. Des fous furieux sont tout juste en train de finir de le foutre en l'air. Il y avait, peur fer- Mer le square de l'Ile-de-France, des grille à modestes, comme à là plupart des squares Parisiens De ces grilles pas plus hautes que les massifs qu'elles protègent et qu'on finit par ne plus voir. En l'espace de deux jours, ces grilles ont été remplacées par une muraille de barreaux de deux mètres quatre-vingts de haut ! Quand on arrive par le pont de l'Evêché, la perspective si charmante sur les arbres et l'île Saint- Louis est complètement bouchée par ce rempart de barres de fer. Regardez la tête des gens, ils sont ébahis. On est réputé, à Paris, pour ne pas lésiner sur la sécurité de nos squares, mais quand même ! Alors, on se renseigne. On apprend que c'est à la demande de plusieurs associations de déportés que l'ancienne grille a été remplacée par, ce monstre. Alors, on se rappelle. C'était l'année dernière, 25 avril 1975, jour du souvenir des Déportés. Une délégation du G.L.H., Groupe de Libération des Homosexuels s'était pointée, à la cérémonie anniversaire, pour déposer une gerbe au Mémorial qui se trouve dans la crypte. Il faut savoir, en effet, que les nazis ont exterminé des homosexuels par dizaines de mille, pour le simple fait qu'ils étaient homosexuels. Si les juifs portaient l'étoile jaune, les homosexuels, dans les camps, portaient le triangle rose. MM. Mmes les rescapés de la déportation et leurs représentants n'ont pas toléré que des homosexuels voulussent honorer, eux aussi, leurs victimes des nazis. Des gardiens de l'ordre hétérosexuel, sûrement tous hétérosexuels eux-mêmes, et tous totalement hétérosexuels, avaient embarqué les porteurs de gerbe et là délégation. Le 25 avril approche. Il était urgent de construire une muraille antipédés devant le square qui abrite le mémorial des Déportés. Muraille qui n'empêchera jamais de passer le profanateur pronazi muni de son pot de peinture et de son pinceau à faire les croix gammées... Elle est exemplaire, cette histoire de grilles réclamées par d'anciens déportés. Leurs années de catin) n'ont pas suffi à les dégoûter des barreaux. De tous les barreaux. Poursuivis, exterminés parce qu'ils n'étaient pas comme les autres, ils ont trouvé encore moins comme les autres qu'eux : les pédés. Halte aux pédés ! Bon, on s'en fout, on n'est pas pédé. Ce dont on se fout pas, par contre, c'est de cette grille. Faut retirer çà fissa, messieurs mesdames les anciens déportés, et si les pédés viennent encore vous embêter avec le souvenir de leurs morts, transportez donc cette grille à la campagne et enfermez les pédés derrière. Faut être logique, dans la vie.

Batons Noirs
Dans le lundi du 16 février, n° 588 du « Nouvel Obs on vous entretenait de ce juge d'instruction d'Aix-en-Provence qui avait fait part au parquet de son intention de voir plus clair dans une affaire où des policiers de Marseille étaient soupçonnés d'avoir introduit une matraque dans l'anus de deux jeunes garçons pour obtenir d'eux des aveux sans preuves. Le parquet, au lieu de féliciter le juge d'instruction de s'intéresser à son métier, avait demandé à la chambre d'accusation de le dessaisir du dossier. La chambre d'accusation devait rendre son avis le 18 février. Elle l'a rendu plusieurs jours après. Sans doute pour se donner le temps de la réflexion. Elle n'a pas dessaisi le juge d'instruction. Il pourra donc poursuivre ses investigations et, éventuellement, faire déférer devant les assises des officiers de police judiciaire sous l'inculpation de viol de deux jeunes gens, dont un mineur, au moyen de matériel administratif détourné de son usage. Si le procureur veut être sévère, il les traitera de tortionnaires. On ne pense pas qu'il ira jusqu'à les traiter de pédés refoulés. Tortionnaire, ça a ses lettres de noblesse. Pédé, demandez donc aux déportés.

D. D. T.
Lundi 15 mars 1976
"

Aucun commentaire: