Parmi les horreurs commises par l’homme sur son prochain, je suis toujours hyper sensible à l‘épisode khmer rouge : à la fois proche (Cambodge, colonie française… un Barrage contre le Pacifique de Duras… un camarade d’études de mon père souvent cité comme exemple de la maigre ouverture internationale de la famille, forcément disparu… les conséquences d’une idéologie politique globale à l’appui d’une guerre post-décolonisation) et tellement loin (géographiquement, religieusement, culturellement, économiquement). Proche aussi car de mon ère : avril 75, j’étais sûrement devant la télé.
Il y a pourtant de la concurrence : les guerres européennes de religions du milieu du 2ème millénaire, les guerres impérialistes du 19ème, l’Arménie, surtout le système nazi et la shoah, la fin brutale de la seconde guerre mondiale en Asie, le communisme du bloc soviétique, l’ex-Yougoslavie, les conflits africains, etc, mais je suis toujours fasciné –hystérisé- par la moindre allusion à l’affaire Pol Pot.
Ce week-end, dans le Monde 2, la photo de François Bizot, un des rares étrangers pris dans la nasse qui s’en soit échappé, avec le bourreau qui l’a gracié à l’époque, Douch devenu ensuite le responsable de l’ex-école S 21 m’a de nouveau tué. S 21 le seul endroit au monde (jamais eu envie de visiter les camps nazis, mais à Phnom Penh yapa grand chose à faire) dont je suis sorti aussi anéanti, me sentant miraculé et tatoué à jamais, genre « allez les potes, on se parle pas, on se tire d’ici, mais tu sais que t’oublieras jamais ces kilomètres carré de photos d’innocents que l’on a torturé durant des heures pour qu’il s’inventent eux-mêmes leurs crimes dont on puisse ensuite les accuser pour pouvoir les exécuter » - ai même pas pu faire une photo sauf une poussière sur le sol ou un bout de peinture écaillé – plus d’expression, plus de regard, plus rien que l’air revenu pour la respiration.
Tout est là, dans cette absurdité intellectuelle, pas dans la quantité, ni la cruauté, mais dans la folie du raisonnement tellement humain et si inhumain. Le terme d’autogénocide essaie de dire cela. L’oubli et le pardon non-dit ensuite sont aussi là pour me troubler... Et puis esthétiquement, c’est tellement impensable dans une région qui nous a donné parmi les plus beaux monuments de pierre de l’humanité, et en perspective de l’horizontalité intemporelle des paysages cambodgiens… une rizière au soleil levant ou la masse liquide lumineuse de alluvions du Mékong.
En fait, je crois que j’ai une crainte sourde face à tant d’(in)humanité incompréhensible : que cela se produise de nouveau n’importe où… à côté…
10 déc. 2007
Une de ces horreurs fondatrices
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9 commentaires:
Ces lignes me renvoient en arrière et me bouleversent: Phnom Penh 1991, l'ouverture du pays apres une guerre ininterompue de presque 20 ans, les vainqueurs des Khmers Rouges , voisins Vietnamiens mis au ban, quittent le pays et cèdent la place à l'ONU qui tente de redonner une chance à la vie.
Je débarque dans une ville, sans voitures,sans scooters alors, dans laquelle les villas sont volets fermés , vides, et où les herbes folles ont fait céder le bitume...une ville fantome !
Et comme toi, un choc inoui dans cette école transformée en laboratoire de la torture, où la monstruosité se cachait derrière la raison, où la logique anéantissait la dernière parcelle d'humanité, où la Bête se dévoilait, paradait...peu de lieux nous transforment, Tuol Sleng nous prend par surprise, nous défait, nous détruit, puis nous hante!
Tant de beauté dans ce pays et tant d'atrocité! Comment concilier beauté, douceur, langueur et ce qui nous a été jeté aux yeux sur les murs de Tuol Sleng?
Comment avoir confiance en l'humanité, comment encore Croire?
Sorry, j'ai oublié de dire combien ést bouleversant le livre de Bizot, qui retrace le siège par les Khmers Rouges de L'ambassade de France, dernier refuge de l'élite culturelle et politique qui n'avait pas voulu fuir son pays, et qui finit dans les camps de la mort. Mais ce qui est le plus beau et le plus terrible , est le portrait intérieur du Chargé d'Affaires qui dû livrer ces innocents ( femmes et enfants compris)afin de sauver ceux qui pouvait l'être.
Terrible et déchirant.
Il lui fallut porter ce poids une vie durant.
Je n'ai revu PP qu'un peu plus tard en 98 et la vue avait repris mais les lieux été toujours comme hantés... difficile de concilier la beauté humaine et architecturale avec l'horreur que l'on savait !
Dis-donc Tranco, on se connait ?
L'épisode Ambassade renvoit aux images de l'évacuation de HCMV-Saïgon...
Bien sur que nous nous connaissons mon cher !
hate de savoir qui était à PP en 91...
...et qui écrit si bien !
Ah! il va falloir jouer un peu....bon tu sais deja qu'etant a PP en 91 , je n'ai pas 20 ans...
exactement la conclusion que je partageais avec une amie ce matin qui me demandait qui tu pouvais bien être !... cela dit, je ne suis pas plus avancé !
Mais, tu ne serais donc pas joueur?
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